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Ecrit vain.

 

Je suis le jouet de mon crayon qui court, qui court. Qui court et dit n'importe quoi. Qui court pour le plaisir, pour discourir, pour offrir, pour partager, pour raconter, pour montrer mon ressenti, mon émotion, la vie, pour distiller mes opinions, mes petits oignons. Je suis l’écrivaillon, l'écrivassier du dimanche. Mon hobby n’est pas la peinture mais l’écriture. Mes gribouillages sont mes tableaux, mes compositions que j'étale sur la toile comme l'aquarelliste, paysagiste, essayiste. Je m'applique, y prends plaisir. Je brosse, campe, troque, parfois peigne et démêle. Suis-je pointilliste, figuratif ou naïf. Je sculpte, un mot, une virgule, une apostrophe, des guillemets me voici guilleret. Crayonner, griffonner, noter, rédiger, édulcorer, tempérer, publier, tout ce qui finit en « er » sauf orthographier, sauf orthographier. Je suis un invalide de l'orthographe, il me faut béquilles et cannes, il me faut Anne. Il m'arrive de sourire suite à une tournure. Je n'ai encore jamais pleuré, larmoyé, je n’écris point pour chialer. Ne veux ni geindre, ni gémir, ce n'est point accouchement. Ecrire c'est se faire plaisir, masturbation solitaire. L’écrivain veut être lu, le peintre vu et l'acteur alors… ! Nous sommes des exhibitionnistes. Le peintre dénude, expose, dévoile, ne sachant si c'est bon ou non, secrètement il l’espère, le croit, fait tout pour, parfois, c'est d’un banal affligeant. Qu’importe de n’avoir de talent, si on le lui disait probablement il ne le croirait. Faire naître de rien, sinon de son vécu, faire naître de son esprit, de son âme, sur une toile non imprimée, une page immaculée, faire naître une croûte ou un poème, une allégorie ou un navet, une caricature, une enluminure tout ce qu’on appelle création et qui n’est autre que transformation.

Le dos calé par un coussin. Le bloc-notes posé sur la table à cartes, les yeux aveugles, dans le vague, dans les vagues, scrutant l’inconscient, ne voyant, ni l'intérieur du bateau, ni la baie, rien, absent, concentré. Le haut du corps légèrement penché, mon critérium à la main, j'écris. La fine mine crisse sur le papier. Trop fine, souvent elle casse, d'un petit coup de pouce rageur je la réarme. Il faudrait que je la change, que j'en prenne une plus grosse. Le temps passe et je n’en change pas, le temps passe et mes mines cassent. J'aime bien ce petit filin gris acier qui s'étire, glisse sur le papier, dessine des arabesques. Arabesques ? Gribouillis, déchiffrables par moi seul et encore, si je relis aussitôt, dans l'immédiat. Demain, je ne reconnaîtrais plus certains mots formés à la hâte. Il me faudra les réinventer. Peur de perdre le fil ténu de mon idée, je vais, cours et m’essouffle, les pleins et les déliés ce n’est pas pour moi. Ma chimère est là, fine comme ce fil arachnéen où se balance cette araignée miniature au-dessus de mon front. Je n’en vois pas la trame et pourtant elle se balance. Il en est de même de mes idées, je ne les vois pas, les perçois à peine, elles sont là mais m’échappent, elles sont là, une ébauche me le prouve. Comment la concrétiser, la piéger, la coucher sur le papier, anguille insaisissable je t’aurai. Je deviendrais mot pour te saisir, je me ferai lettre pour t’appâter, des embuscades je te tendrais, phrases et enfin texte deviendra.

La musique c’est des nombres avec des sons au bout. (Pierre Lusson).

L’écriture ce sont des mots avec sa mélodie au bout.

Toutes les nuits, j’ai une petite musique dans la tête. Un petit air d’accordéon en sourdine, un petit air m’entraînant dans sa course échevelée, une farandole de mots, de lettres, sirène au chant redoutable. Ensemble de cordes et cuivres faisant naître des verbes et des termes inconnus de moi, concerto sans queue ni tête. Orchestre qui aurait perdu son chef, jouant sans suite et sans fin une polyphonie de vocables dont je voudrais bien empoigner et réunir l’ensemble en clichés instantanés, en hyperboles dont je serais le seul créateur. Circonlocutions, interrogations, apostrophes, soliloques que j’aimerais partager. Au petit matin je m’éveille, tente de retrouver ces mots qui comme les rêves s’évanouissent, se dissipent. Je n’y arrive guère, tout s’embrouille, tout se noie. Des lambeaux persistent, des restes flottent à la surface de mon esprit, je dois écumer, je dois faire avec.

La nuit dernière, mon encéphale s’est emballé pendant mon sommeil, a fabriqué, modelé pour moi ce qui me semblait un début prometteur. Vite, vite, à deux heures du matin, je me suis levé, ai pris mon bloc-notes, cette fois je te tiens. à l’affût, je suis resté de longues minutes, la tête figée ainsi que le bras, l’idée est là, toute proche mais se cache comme le ver luisant avec le jour, elle se joue de moi, pfft… envolée. Je suis toujours le grand perdant, elle réussit toujours à se faufiler comme les poissons à m’échapper. Je reste là, furieux, déçu, impuissant. Incessamment je te saisirai, te capturerai, t’harponnerai, pauvre pêcheur de mots. Ai-je vraiment des idées ou est-ce un leurre. Demain je réessayerai.  

 

 

Quelle vanité que la peinture qui attire l’admiration par la ressemblance des choses dont on n’admire pas les originaux.

Pascal, pensées.

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F
Va te coucher! Car puisque tu écris, je lis,et fais des insomnies ...en attendant la suite.
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