Carènage à Carrickfergus

La fin de l’hiver, malgré la perspective du printemps a un coté pénible. Elle signifie le temps du carénage annuel. Après six ou sept mois d’inaction, d’indolence, de contemplation s’annonce une semaine laborieuse physiquement. Cela m’a toujours rebuté et aujourd’hui, plus qu’hier, allez savoir pourquoi ? Le bateau est le même, ni plus grand, ni plus gros, ni plus bas, ni plus haut et pourtant chaque année me semble plus harassante. Je ne comprends pas pourquoi à moins que je ne veuille point comprendre !

Le bateau, hissé haut, sur le terre-plein est calé, puis karchérisé à ce stade tu en as déjà plein les bras, les épaules, en un mot plein le dos, ce n’est pourtant qu’une mise en jambe. Le voilier calé, disais-je, sur des tins à une certaine hauteur, nécessitant la présence d’une échelle pour y accéder. Avez-vous compté combien de fois dans une journée vous serez appelé à grimper pour prendre un tournevis oublié, une pince, un couteau ou toutes ces petites choses insignifiantes dont on a absolument besoin. Vient le temps du grattage, sur Gwenn Ha Du, nous ne mettons pas d’antifouling, seulement une protection pour l’aluminium qui forme anode. Il faut brosser, poncer toute les œuvres vives pour que la couche d’inversalu adhère. A quatre pattes, assis, debout, courbé, penché, allongé, il faut gratter, gratter, poncer encore. Dans ces moments-là, si je tenais celui qui a qualifié de plaisance, la pratique de la voile, je lui ferai rendre gorges. Je redécouvre des muscles dont j’avais oublié l’existence, des deltoïdes aux trapèzes, des triceps aux pronateurs sans omettre le grand droit et le petit oblique, le dentelé, le grand dorsal, l’ilio-costal, je vous ferais grâce des six cent trente autres. C’est fou, tout comme dans nos téléphones portables, le nombre d’appli dont on ne sert jamais. L’armateur, Anne pour ne pas la nommée, consent à m’apporter un thé mais pas à quitter mon poste de travail. Il faut que je songe à me syndiquer.