La vitesse est attirante, grisante, délirante.
Quand, nous allions Anne et moi, à plus de deux cents sur notre gsxr onze cents. Couchés derrière la bulle, nos têtes ballottées par le vent apparent, prêtes à se décrocher, s'envoler dans le sillage occasionné. Têtes sans cervelle jouant avec le plus précieux de nos biens. Têtes vides des risques encourus. Têtes pleines de jouissance d'aller plus vite que le vent. Nous pensions être les rois de la vitesse, les rois de la vie que nous défiions sur la route.
Les rois de rien du tout.
N'importe quel sot peut mettre la poignée en coin sur des bolides pourvus des chevaux nécessaires. Où est l'exploit ? Avons-nous rattrapé le temps, voulions nous le dépasser, que voulions nous, que cherchions nous ?
Avons-nous enrichi notre esprit ou l'avons-nous diminué ?
Rien, aucun bénéfice tangible, sinon un renforcement illusoire de notre ego, la bête immonde.
Ah ! Les randonneurs au long cours, les montagnards qui doivent grignoter quelques centimètres pour grimper d'autant et ce, à la seule force de la volonté. Nulle question de vitesse dans ces exploits, car, c’est un exploit tant physique que mental. Tout ça pour aller où ? Nulle part, point besoin de but à atteindre, sinon le bout du chemin pour communier avec lui, sinon le haut de la montagne pour admirer le monde. Il s'agit bien de communion, aller, au rythme de la nature, se fondre dans la nature, être la nature.
Le temps prend toute sa dimension, là, maintenant, tout de suite. Après, c'est plus tard. Y aura-t-il un plus tard, nul ne le sait. C'est le présent qui compte, la température qu'il fait, le vent, les arbres, les êtres, la terre, les pierres, les animaux. Tout est présent et tout fuit, tout s'échappe et nous échappe, nous formons un tout, prenons le temps de l’observer.
À la voile, nous allons juste un peu plus vite qu’à pieds, notre vitesse correspond à la mouvance d'un vélo en baguenaude. Nous musons, nous aussi en communion avec les éléments. Nous prenons l'air et la mer et le temps. Nous léchons la vitrine de l'univers. Nos têtes délicatement ballottées par le vent apparent.
Est-ce la sagesse ? Hum !