rencontres

Nous voici revenus à la case départ. Cela fait 10 mois que nous sommes partis, c'est le temps qu'il faut pour faire un tour de l'Atlantique et nous avons fait un tour de Bretagne.

Ce que nous en retenons, outre les paysages fabuleux que l'on connaît. Ce sont les incroyables rencontres que nous y avons faites.

Bercés depuis notre plus jeune âge par les récits de tous ces navigateurs (Moitessier, Le Toumelin, Slocum, Gerbaud, Monfreid) etc, nous étions captivés par l'aventure maritime et technique de ses découvreurs. Mais les rencontres que faisaient nos écrivains et navigateurs préférés, comportaient un nombre important de chapitres dans leurs livres. Jusqu'alors nous les pensions réservées à ces navigations lointaines et à ces navigateurs hors du commun. Nous les pensions réservés à une élite, résultat de leur notoriété, ou tout du moins parce qu'ils naviguaient à l'étranger loin de chez eux.

Erreur totale. Nous avons, nous, pauvres petits navigateurs du dimanche, vécus à deux pas de chez nous, ce type de rencontres qui vous marquent, cette gentillesse, cette spontanéité, ces échanges désintéressés, sans barrière de culture et de positions sociales. Je vais tenter d'en faire un très court récit car un livre n'y suffirait pas. Ce sont des extraits très comprimés et j'espère explicites, mais, malheureusement ne rendront jamais le vécu et les émotions qu'elles suscitent.

Chronologiquement la première rencontre qui nous a ému, fut à Portets, sur la Gironde, en décembre 2007.

Nous remontions le bateau par le canal du midi. Le soir, nous accostons, car la navigation de nuit est interdite. Nous allons au village distant d'1 km, acheter du pain. Bien que ce ne soit pas la saison, nous devons avoir l'air de touristes et la conversation s'engage._ Vous êtes en vacances ?_Non, nous sommes en bateau au ponton, _et vous n'avez pas froid ? _sous la couette il fait bon mais en réalité nous devons avoir 3 ou 4° dans le bateau,_ et vous allez où ? etc. etc..

Nous repartons avec notre pain, heureux de cette brève conversation.

19 heures, tous panneaux fermés, calfeutrés dans le bateau, quelqu'un frappe.

Sylvie et Thierry, les boulangers, viennent nous chercher pour dîner et prendre une douche chez eux. Nous sommes sous le choc, il nous faudra quelques minutes pour prendre notre décision et nous voici partis en voiture rejoindre leurs enfants, Steven, Dylan, et Julien pour une soirée inoubliable !

9 novembre 2007  Pauillac Gironde.

Sur le port où nous devions mâter le bateau, Guy, ancien de la marchande, ancien sablier, ancien convoyeur, vient faire la causette. Nous le verrons ensuite tous les jours, nous apportant « le marin », des crevettes pêchées et cuites par lui-même, une rondelle en inox au diamètre introuvable sur place ou une bouteille de vin  « de l'île de Pâtiras », des anguilles, une boîte de couture à voile avec paumelle et aiguilles, un compas de relèvement. En échange, qu'avons-nous bien pu lui donner, sinon notre amitié ? une part de rêve ?

Nous sommes restés jusqu'au 25 novembre, une entorse faite sur le pont, nous contraint de rester plus longtemps. Devinez qui m'emmène chez le docteur ?

Même  port, Annie et Gilles du Warvalé.

Ils arrivent de Bretagne pour faire le trajet inverse c'est-à-dire descendre le canal du midi.

Nous avons dîné à bord avec Félix dix ans, Éole 8 ans et Iris trois ans sans oublier leur chien Bleïna. Toute cette petite famille navigue et semble y prendre beaucoup de plaisir.

Nous repartirons avec des cartes de la sortie de la Gironde, et la promesse de se revoir. Nous les avons retrouvés à Brest en février 2011 modifiant de fond en comble leur bateau pour mieux repartir.

Suit, une période de remise en état de notre voilier pour nous voir repartir en mai 2011. Cela n'empêche pas d'échanger. Richard me donne des cartes, Christophe les installe. Laurent et Maribel l’un pose le moteur, l'autre nous apprend la couture. Bernard nous a préparé une cagette de confiture, de gésiers et des rillettes faits maison qui nous ont accompagnés un bon moment, pour de très bons moments. Avec les mugs de Michelle et Michael, le café devient un instant privilégié. Nous arrosons très volontiers, tout et n'importe quoi, depuis que nous avons les verres à pied de Brigitte et Jacky. Nous pouvons difficilement faire notre toilette sans penser à Patou, et nous avons sabré la bouteille de champagne de Jean au réveillon comme il se doit. Pas un mouillage forain, sans la lampe de Bruno, super feu de mouillage tout temps.Pour la pêche, Yves, nous a confectionné une super mitraillette" la criminelle"

6 juillet 2010 Paluden

Manu et Camille sur leur gin-fizz accompagné de Paj leur chien. Ils ont l'âge de nos enfants, ils préparent leur descente vers le sud, vers le soleil. Avec eux, cours d'informatique et de musique, difficiles d'être concentrés, après le gigot d'agneau, qu'ils nous ont préparé, arrosé comme il se doit. Ils nous présentent Aurélien, lui aussi sur son bateau, prépare sa thèse de médecine. Il nous indiquera, toujours autour d'une bonne table, le centre de désensibilisation au mal de mer de Brest, ce qui nous y ramènera pour l'hiver.

8 août Loguivy de la mer

Roger, conteur fabuleux de sa vie, riche en événements de toutes sortes, ancien marin pêcheur. A 15 ans, son père a signé son engagement pour la pêche. Beaucoup de campagne dont les Kerguelen pendant 11 mois. Il prépare un livre sur sa vie.

Louis, menuisier, charpentier, ébéniste de talent a beaucoup oeuvré pour les bâtiments de France. Il nous fait visiter sa maison admirablement située à la pointe du Gouern, face à l'île de Bréhat.

20 août Poulafret

Nous nous ancrons, tout près du seul bateau à cet endroit, un catamaran Hobart 900. Nous ferons la connaissance d’Yffic. Il loue son catamaran comme un studio au mouillage. Truculent personnage plein de rebondissements, nous apportera de la lecture au lieu de nous indiquer une librairie.

22 septembre Trégarvan

Nous croisons un Kerlouan, à bord, Pierre, un solitaire, nous nous saluons. Nous ne savons pas encore que nous passerons une partie de l'hiver ensemble et que nous deviendrons amis.

Nous rencontrerons aussi Hervé, fameux pêcheur de bar. Il nous retrouve dans un port distant d'une dizaine de kilomètres de chez lui et spontanément nous offre un bar de sa pêche du matin.

3 octobre Brest

Nous avons décidé de passer l'hiver ici, en espérant être admis pour le traitement vestibulaire. Ceci est un autre sujet et sera traité ultérieurement en fonction du temps libre et surchargé de tout bon retraité qui se respecte.

Nous sommes sur le ponton G, dit le « village ». Nos voisins mitoyens, Jeannine et Jean-Pierre, culture anglicane et savoir-vivre, en font les meilleurs voisins possibles. L’élue de leur coeur s'appelle « Ode » Sun odyssée 37. Ils nous imprimeront des cartes de visite au nom de notre voilier et nous feront don de cartes électroniques de toute l'Europe.

Un peu plus loin, P’tit Louis et sa mascotte « Bosco » un superbe petit écureuil de Corée. Il vit sur son jurançon, un plan Harlé, en aluminium. Cuisinier de son état, nous en avons abondamment profité, plein de far breton, clafoutis, pudding et menu en tout genre.

Tout en face, Jean-Yves, habite sur son westerly, lui aussi nous fera don de cartes et nous larguera les amarres lors de notre départ.

Micheline, emmène Anne faire des courses avec sa voiture, Claude est à bord, Karcher en main, le bateau est pourtant rutilant. Nous pouvons compter sur eux.

Céline, écrivain, vit avec Philippe sur Ganesh qui travaille pour un loueur de bateaux, nous le rencontrerons pratiquement tous les jours avec beaucoup de plaisir.

Il y avait aussi Bébert et son chien « Caïd », Stéphane le légionnaire, Julien, Philippe le pompier nous donnera des tuyaux réformés, idéal, pour faire des protections antiragage.

Pierre et son Kerlouan rencontré quelque temps auparavant nous présentera sa tante Anna 83 ans, chante dans une chorale et joue de la flûte à bec. Nous aimerions avoir sa verve et sa pétulance si nous atteignons cet âge. Nous devions aller dîner chez elle, malheureusement nous n'en avons pas pris le temps.

Il nous présentera aussi son amie, Marie-Josée, tempérament du feu de Dieu. Qui, elle-même nous présentera, Mimi et Bernard

celui-ci nous réparera notre chargeur convertisseur « que personne ne voulait réparer » ce têtu breton, ou ce breton têtu, comme il vous plaira, a mis une telle opiniâtreté qu'il a réussi là où personne n'a voulu s'aventurer. Nous irons dîner chez eux, ce qui nous permit de découvrir chez la maîtresse de maison, des qualités rares d'humanité. Je n’oublie pas Jean-Luc, copain de Pierre qui pour nous faire plaisir nous donnera, deux bombes de produits miracles à bord d’un voilier, contre la corrosion des circuits imprimés.

Anté et Eric sur leur magnifique voilier, un plan « Plessis ». Outre de nombreuses rencontres, ils nous emmèneront passer une journée formidable, au coin du feu, dans leur maison surplombant la rade de Brest. Anté, dit des femmes qui vivent sur un bateau, qu’elles sont des denrées rares, je suis d’accord avec elle, j’ajouterai que les marins qui ont une Princesse à bord sont encore mieux lotis. Le « Da Vinci Code » fait dorénavant partie de la bibliothèque du bord ainsi que de nombreux autres livres et films.

5 octobre Brest  

Nous retrouvons Pierre et son Kerlouan. 

Pierre navigue en solitaire et a une prédilection pour les navigations de nuit. Menuisier, charpentier, ébéniste, compagnon du tour de France et artiste peintre.

La première soirée passée en sa compagnie, il nous explique comment trouver le point or. S'en suivront de nombreuses conversations à refaire le monde. Nous nous reverrons pendant tout notre séjour hivernal et nous échangerons en compagnie de son amie, Marie-Josée, maints festins. Le lendemain du réveillon nous verra chez elle, au champagne et trop fatigués, nous dormirons sur place, cela se reproduira. Marie-Josée, nous fera découvrir toute la région intérieure que nous sillonnerons à bord de sa voiture. Nous reviendrons chaque fois au bateau avec des victuailles. Un jour que nous déjeunions au bateau, Pierre s’avise de notre dessous de plat « simple planche, de contreplaqué, à peine dégrossie » il nous la transformera, et en fera une pièce unique. Je reviens même avec sa superbe veste de cuir offerte comme une partie de lui-même.

Mais surtout, ce qu'ils nous ont offert, dépasse de beaucoup tout cet aspect matériel qui apparaît au premier abord mais trahit ce sentiment d'amitié naissant.

En conclusion, ce petit mot envoyé par nos voisins de ponton, résume bien l'état d'esprit qui règne et qui nous fait aimer rencontrer, échanger et aller vers l'autre.

 Bonjour Anne, Bonjour Jean-Pierre,

 C’est en lisant votre mail

qu’on réalise que vous allez …

                                               …nous manquer

  – vraiment !

 Notre cohabitation dans le village était discrète et réservée,

ce qui  n’empêchait aucune des perceptions des subtilités dans les ‘’non-dits’’ !...

(juste comme ça se fait entre gens « bien élevés » !)

 Où que vous soyez donc,

nous vous ferons un brin de compagnie par la pensée,

et nous vous souhaitons de merveilleux moments

–        certainement très différents mais tous aussi riches les uns que les autres !

 « … à la mer il y a du génie,

à la côtoyer on acquiert du talent … »  (o. de Kersauzon)

 vous en construirez aussi !

–        ce sont d’ailleurs ce que les mots n’ont pas besoin de porter

juste des dentelles à nos vécus personnels – très personnels !

 et qui sait ?

un jour – plus tard – l’au-revoir d’aujourd’hui n’aura été que le début d’un intermède

jusqu’à …se revoir

 ce qui serait avec très grand plaisir

-          quoi qu’il en soit !

 Nous vous embrassons, et faites un calin à celle qui nous faisait aussi ses joies si pudiques !

 Très très amicalement,

Jeannine + jp

et…

si vous aviez besoin de quelque chose, n’hésitez pas à appeler

si on est en mesure de vous aider, on vous le dira et on le fera,

si nous ne le pouvons pas, on vous le dira tout pareillement !